Les couleurs en Corée

Elles sont partout : des palais jusque dans nos assiettes en passant par le hanbok, l’habit traditionnel coréen, les couleurs traditionnelles coréennes font partie intégrante de la culture et des croyances locales depuis la période des Trois Royaumes. Outre leur fonction décorative, elles possèdent chacune une signification bien particulière que nous vous proposons de découvrir dans cet article.


Aux origines des couleurs traditionnelles

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L’origine des cinq couleurs traditionnelles coréennes se trouve dans la théorie du Ying et du Yang et des Cinq Éléments de l’Univers appelée eumyangohaeng / 음양오행 en coréen. Les couleurs traditionnelles fondamentales sont au nombre de cinq : le rouge, le noir, le bleu, le blanc et le jaune, appelées obangsaek / 오방색 (五方色). Si on les retrouve aussi au Japon et en Chine, ces couleurs ont toutefois des nuances, des usages et des significations spécifiques à la Corée.

La combinaison de deux couleurs basiques donne deux nouvelles séries de cinq couleurs secondaires appelées obanggansaek / 오방간색 (ou ogansaek / 오간색).

C’est ainsi que sont obtenus par exemple le vert, le rose fuchsia, le jaune-souffre et enfin le violet que nous retrouvons souvent sur les objets ayant des traditionnels coréens.

Symbolisme et signification des couleurs traditionnelles coréennes

Chaque couleur symbolise un des cinq éléments de la nature, un point cardinal et une saison auxquels il faut ajouter un animal-gardien issue de la théorie des Cinq Éléments :

© Grace Acierto - grace2design 2006

© Grace Acierto - grace2design 2006

  • Le rouge représente le feu, le sud et l’été.
    L’animal-gardien correspondant est l’Oiseau ou Phénix vermillon (주작).

  • Le noir symbolise l’eau, le nord et l’hiver.
    Le totem associé est la Tortue noire (현무).

  • Le bleu représente le bois, l’est et le printemps.
    L’animal-gardien est le Dragon azur (청룡).

  • Le blanc correspond au métal (ou or), à l’ouest et à l’automne.
    Le totem est le Tigre blanc (백호).

  • Le jaune symbolise la terre et le centre.
    Il n’y a pas d’animal-gardien pour cette couleur.

A chacune de ces couleurs fondamentales sont également associées des significations particulières.

  • Le blanc signifie, entre autres, la vérité, la pureté et la tempérance c’est-à-dire un état d’esprit pur sans avidité. Cette couleur représente ainsi la rectitude et l’intégrité que possédaient (ou devaient posséder) les lettrés de la dynastie Joseon.

  • Le noir a été de tout temps assimilé à des significations à connotation négative comme l’obscurité, la nuit, la mort. Durant la dynastie Joseon, le noir représente aussi la sagesse, la dignité et la solennité.

  • Le rouge représente l’autorité, la création et la poursuite du bonheur. Cette couleur aurait aussi, d’après les croyances chamanistes, la propriété de repousser les esprits malins, les mauvaises énergies et la malchance.

  • Le bleu et toutes ses nuances (du bleu clair au vert et au bleu marine) signifient le printemps, la jeunesse, la vie ou nature utopique.

  • Enfin, le jaune est associé à la fertilité, la richesse et la sainteté. Le rouge et le bleu sont également associés au Yin et au Yang.

Couleurs traditionnelles et Hanbok

Les couleurs traditionnelles sont largement utilisées dans la conception du hanbok, l’habit traditionnel coréen.

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L’association de ces couleurs ne relève ni du hasard ni des envies du créateur. Elle est étudiée avec grande attention afin de faire ressortir la signification adéquate : contribuer à protéger, assurer le bonheur, conférer un certain attribut (comme la dignité, l’autorité ou la jeunesse) à une personne, et ce, plus particulièrement aux moments de rites importants comme la naissance, le mariage, les funérailles et le culte des ancêtres.

Par exemple, durant la dynastie Joseon (1392-1910), la mariée portait une robe appelée Hwarot (활옷) associant le rouge et le bleu qui symbolisent la dualité entre le masculin et le féminin, le Ying et le Yang.

Le rouge, présent en abondance sur la robe, devait également permettre de repousser les esprits mauvais et la malchance, selon les croyances de l’époque. C’est aussi pour cela qu’on apposait trois points rouges sur les joues et le front de la mariée et que les chamanes portaient des vêtements rouges.

색동저고리

Lors du premier anniversaire d’un enfant qui est l’occasion d’une grande fête en Corée, on passait à l’enfant un hanbok appelé Saekdong jeogori (색동저고리) Le saekdong fait référence aux bandes de cinq couleurs traditionnelles présentes au niveau des manches – le noir est alors remplacé par le vert –, censées apporter la bonne fortune. Les jeunes filles portaient aussi quotidiennement le saekdong associé à une jupe rouge, synonyme alors de virginité.

En dehors de ces fêtes spéciales, durant la dynastie Joseon, les couleurs des vêtements étaient des indicateurs de classe sociale, de statut et de fonctions au sein de l’espace public. Le peuple portait généralement un hanbok blanc ou monochrome alors que les nobles portaient des vêtements très colorés, symboles de leur richesse et de leurs aspirations.

Les vêtements du personnel travaillant au palais et les fonctionnaires étaient aussi ornés de couleurs et de motifs indiquant leur statut et rang dans la hiérarchie. Couleur de la dignité et de la solennité, le noir était réservé aux vêtements de cérémonie ainsi qu’au chapeau porté quotidiennement par les nobles.

Couleurs traditionnelles et peinture: le Dancheong

문양1

Le Dancheong / 단청 (丹靑), qui signifie « rouge et vert », fait référence à la coloration avec les obangsaek et la décoration des bâtiments et autres objets avec des motifs géométriques ou à la signification symbolique comme la fleur de prunier, le pin, la grue, le dragon, la tortue… Longévité, bonheur, intégrité, bonne fortune, fertilité… les choix des motifs et des couleurs dépendent du message ou des bénédictions à transmettre. Les couleurs traditionnelles sont utilisées pour peindre les bâtiments en bois et autres objets depuis la période des Trois Royaumes (- 57 av. JC – 935) mais la forme définitive du Dancheong a été établie durant la dynastie Joseon.

Outre sa fonction décorative, le Dancheong était appliqué pour protéger les bâtiments de la pluie, du vent, de l’exposition au soleil et des insectes et possédait une fonction symbolique.

단청 문양

Ces couleurs n’étaient ainsi appliquées que sur les bâtiments ayant une fonction publique et avec un statut élevé comme les temples bouddhistes, les bâtiments gouvernementaux, y compris les palais, et les écoles confucéennes afin de conférer une certaine dignité et un sens sacré. Les bâtiments privés, eux, ne pouvaient pas être colorés.

Couleurs traditionnelles et cuisine coréenne

구절판

La cuisine coréenne accorde une grande importance aux couleurs et à l’harmonie des couleurs au sein d’un même plat ou sur une table (plats et couverts compris). Les deux exemples de plats les plus connus pour leur association de couleurs sont le bimbimbap / 비빔밥, un plat de riz recouvert de légumes colorés finement coupés et ordonnés qu’il faut ensuite mélanger avant de manger, et le Gujeolpan / 구절판, de petites galettes de farine qu’il faut garnir soi-même de divers ingrédients de couleurs différentes parmi les huit disposés dans le plats.

Certains plats ou aliments sont aussi choisis à l’occasion d’évènement particulier en raison de leur couleur. Par exemple, au moment du solstice d’hiver appelé Dongji / 동지, les Coréens mangent traditionnellement un porridge de haricots rouges / 밭죽, le rouge possédant la propriété d’éloigner les mauvais esprits et la malchance.

밥

Le riz revêt également une signification très particulière. Il est considéré très précieux car la cuisine du riz crée l’harmonie entre les Cinq Éléments.

En effet, la terre produit le riz, le riz est bouilli par l’eau dans une marmite en métal et le bois produit le feu. Le riz blanc est particulièrement utilisé lors des rites liés au culte des ancêtres afin de faire preuve de respect, de pureté et de dévotion envers l’univers.

Dans les couleurs traditionnelles et la décoration coréenne, tout est symbolisme.

Si la théorie de l’eumyangohaeng et des obangsaek a perdu de son importance dans la vie des Coréens d’aujourd’hui, elles n’en demeurent pas moins une part importante des traditions et de la culture coréenne sur laquelle tout curieux devra se pencher pour une immersion réussie au Pays du Matin Calme !


Caroline L.

Française mariée a un Coréen, Caroline reside depuis plusieurs années en Corée.

Elle a fait ses etudes en France et en Asie, avant de s’orienter vers une carrière professionnelle vers la péninsule coréenne.

Elle est contributrice régulière car son quotidien et son sens aigu de l’analyse, lui permettent de lever des rideaux sur la Corée derriere le miroir et de décrypter les éléments de culture de la Corée et de ses habitant(e)s.

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