L’art du voyage de Kim Chansong

Kim Chansong est une artiste-peintre émergente qui vit sa vie comme un trait d’union entre France et Corée. Ses œuvres, calmes, aériennes et intimes empruntent à la nature, qu’elle soit sauvage ou apprivoisée.

Alors qu’après la musique, les séries, la mode, l’art pourrait bien être le prochain export culturel coréen, Chansong nous raconte sa résidence artistique en France, l’émergence du marché de l’art coréen et ses coups de cœur de voyage en Corée.

Une ode à la curiosité et à la découverte, et aux lieux “non-essentiels”.


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Sortir de sa zone de confort 

Diplômée de la Kookmin University de Séoul, Kim Chansong  a eu l’opportunité d’être l’une des artistes choisies pour effectuer la prestigieuse résidence Lee Ungno en région parisienne en 2018. Une vraie aventure pour celle qui ne parlait alors quasiment pas français, dans les traces d’un des artistes les plus connus en Corée.

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Mort en 1989, Lee Ungno était un peintre abstrait qui vécut 30 ans en France avant d’en prendre la nationalité.

Une véritable inspiration :

“C’était un privilège. Lee Ungno est un artiste très reconnu en Corée, et j’ai pu vivre avec sa famille et partager des histoires sur lui et aller sur sa tombe. Sa veuve a 93 ans et se réveille tous les jours à 8 heures du matin et peint ou dessine toute la journée.”.

Au travers du programme de résidence ouverte, qui permet aux visiteurs de découvrir son travail, Chansong approfondit son style et ses sujets. Du grand jardin de sa tante par alliance française à celui de Monet à Giverny, elle découvre inlassablement les plantes, ce qui la pousse à réaliser sa série “Jardin de la défiance”. Un titre inspiré par les erreurs de perception qui peuvent être les nôtres.

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“On croit savoir, et se connaître mieux que quiconque, mais on découvre toujours de l’inconnu dans du connu”, dit celle qui se prend très souvent comme son propre modèle. “Je travaille à partir de photos. Je prépare le décor, les plantes, accessoires ou objets, et je mitraille, en changeant les poses. Les bonnes images viennent lorsque l’on sort de sa zone de confort.”

K-Art ?

La vocation de Kim Chansong pour communiquer ses émotions à travers le langage non-verbal qu’est l’art est “aussi naturelle que manger ou dormir”. Et pourtant, celle-ci a été fortement contrariée par l’opposition de ses parents, qui encore aujourd’hui ne sont pas en accord avec ce choix.

En cause notamment, le système éducatif coréen et les attentes des parents envers leurs enfants, qui, dans leur très grande majorité, souhaitent que leurs enfants exercent des carrières sûres et prestigieuses, telles que la médecine ou le droit. Une carrière artistique n’est pas considérée comme un réel métier par de nombreuses familles, dont les enfants dépendent financièrement jusque tard.

Et pourtant, Kim Chansong appartient à une génération de créatifs qui voient évoluer radicalement le paysage en Corée.  “Il y a encore dix ans, on trouvait des galeries principalement dans les grandes villes comme Séoul et Busan, et il y avait une résistance à aller voir de l’art, car on ne savait pas ce que c’était. Aujourd’hui, c’est extrêmement différent : beaucoup de mes amis dans leur trentaine mettent de côté pour investir dans de l’art. Il existe un vrai enthousiasme pour les expositions, que les réseaux sociaux ont vraiment contribué à démocratiser. Ce n’est plus une activité intimidante pour quelques happy few.”

Le sentiment de Chansong trouve un écho très concret dans les évolutions  impressionnantes qui confortent la Corée comme une nouvelle place forte de l’art contemporain : en plus de piliers culturels majeurs comme la très réputée et pionnière Biennale de Gwangju, dans la province de Jeolla au sud du pays, l’écosystème artistique s’y renforce singulièrement. Le galeriste berlinois Johann König est le dernier en date à ouvrir un espace séoulite ce mois-ci, citant la vigueur du marché et le nombre très important des jeunes collectionneurs comme facteurs décisifs. Il est vrai que l’esthétique et l’envie du beau sont au cœur de la société coréenne.

De plus, il existe aujourd’hui des artistes coréens stars, à l’image des représentants du courant monochrome coréen, le Dansaekhwa (단색화). Parmi eux, Lee Ufan, qui a notamment investi les jardins de Versailles en 2014, ou encore Park Seobo.

Pour Chansong, “ces oeuvres ont effectivement un charme discret et distinctif (...) Et puis, il y la toute nouvelle génération d’artistes qui propose des oeuvres soit très complexes, soit super simples et visuelles, influencées par le pop art.”

Le K-Art n’est d’ailleurs peut-être pas un rêve si lointain. En effet, BTS, le plus grand boys band au monde, a co-produit en 2019 le projet BTS Connect, série de collaborations entre le groupe et les plus grands artistes et galeries au monde. Une manière peu orthodoxe et novatrice d’influencer l’art contemporain. RM, le leader du groupe, est d’ailleurs l’un des plus généreux donateurs du Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul en 2020.

“On n’en est pas encore là”, tempère Chansong.  “Le marché de l’art coréen est encore fragile et doit bien plus soutenir la carrière des artistes. Avant de pouvoir exporter plus d’artistes, il faut avant toute chose avoir un écosystème domestique qui reconnaisse l’art comme une profession viable.”

Recommandations de voyage

Dans l’immédiat, Chansong poursuit son histoire d’amour avec la nature. “J’ai une passion pour le jardinage, j’ai plus de 50 plantes dont je m’occupe. J’achète une plante lorsque quelque chose de bien m’arrive, par exemple lorsque l’un de mes vœux a été réalisé. Chaque plante a son histoire propre.”

Lorsqu'elle voyage, Chansong applique une trilogie bien précise : “Je cherche les bons musées, les serres, et les bibliothèques, même si je ne parle pas la langue. J’aime regarder les images dans les livres, sentir les atmosphères. L’art, c’est un langage non verbal.”

Et en Corée ? “En 2017, mon copain, qui est corse, est venu me voir et on a notamment découvert les provinces du sud. On est aussi allés à Jeju et comme il vient d’une île, lui aussi, c’était très intéressant de pouvoir comparer les deux.”

Un de ses paysages favoris ? Les plantations de thé vert de Boseong, de longues lignes verdoyantes en étages qui serpentent dans les vallées de la province de Jeolla. Beosong est à l’origine de 40% de la production nationale de thé vert et est une appellation prestigieuse, qui fait vivre des centaines de producteurs locaux. Visiter les plantations est une expérience particulièrement reposante et contemplative.

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“Il y a pour moi un lien très fort entre art et voyage. Créer est un voyage : on ne sait pas forcément où l’on va précisément, les plans peuvent changer. Je peins avec un sens de la découverte. Ayez l’esprit ouvert, ouvrez-vous à de nouvelles sensations.”

On vous laisse sur ces paroles de sagesse de Chansong, non sans vous faire quelques petites recommandations supplémentaires :

> Retrouvez l’ensemble des peintures à l’huile de Kim Chansong sur son site 

> Pour un programme arty en Corée, pensez honorer les musées, qui comme le Musée National d’art moderne et contemporain ou le Leeum, sont aussi de vrais gestes architecturaux à ne pas manquer.

> Prenez une demi-journée pour découvrir le Chang Ucchin Museum of Art. Situé à Paju, il vous permettra de découvrir l’oeuvre d’Ucchin, artiste coréen emblématique du XXème siècle, mais aussi des propositions plus contemporaines, le tout dans un bâtiment blanc et serein au milieu des arbres.


Les incontournables

 
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  • Musée National d’art moderne et contemporain (Séoul)

    Ouvert du mardi au dimanche, 10h00-18h00. Fermé le lundi.

    Entrée: le prix varie selon les expositions du moment (gratuit pour les personnes de <24 ans, >65 ans, les personnes handicapées et les étudiants en université.

    Gratuit pour tous le dernier mercredi de chaque mois.

    Comment y aller? Station de métro Anguk (ligne 3) ou Gwanghwamun (ligne 2).

    Navette gratuite reliant Deoksugung, MMCA Seoul et MMCA Gwacheon.

    30 Samcheong-ro, Samcheong-dong, Jongno-gu

 
 
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  • Musée National d’art moderne et contemporain (Gwacheon)

    Il abrite notamment les oeuvres du video artiste Nam June-paik.

    Ouvert du mardi au dimanche, 10h00-18h00. Fermé le lundi.

    Entrée: le prix varie selon les expositions du moment (gratuit pour les personnes de <24 ans, >65 ans, les personnes handicapées et les étudiants en université.

    Gratuit pour tous le dernier mercredi de chaque mois.

    Comment y aller? Navette gratuite reliant Deoksugung, MMCA Seoul et MMCA Gwacheon.

    Départ de chaque site à 10h00, 12h00, 14h00, 16h00.

    Gyeonggi-do, Gwacheon-si, Gwangmyeong-ro, 313

 
 
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  • Leeum, Samsung Museum of Art :

    Ouvert du mardi au dimanche, 10h00-18h00.

    Fermé le lundi.

    Entrée: 10,000 KRW par adulte (environ 3,7 EUR) [expos temporaires en supplément].

    Comment y aller? Station Hangangjin (ligne 6), sortie 1.

    60-16 Itaewon-ro 55-gil, Hannam-dong, Yongsan-gu

 
 
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  • Chang Ucchin Museum of Art :

    Ouvert du mardi au dimanche, 10h00-18h00.

    Fermé le lundi.

    Entrée: 5,000 KRW par adulte (environ 3,7 EUR) [expos temporaires en supplément].

    Comment y aller? Station Gupabal (ligne 3), sortie 1. Puis prendre le bus 19 qui déposera à l’entrée du parc.

    Gyeonggi-do, Yangju-si, Jangheung-myeon, Gwonnyul-ro, 193

 

Côté galeries, les deux grands lieux historiques sont les galeries Kukje et Hakgojae, qui présentent également des artistes coréens et ne sont plus uniquement des bastions de l’art international.

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  • Galerie Kukje

    Ouvert du mardi au dimanche, 10h00-18h00.

    Fermé le lundi.

    Entrée: gratuite.

    Station Anguk (ligne 3), sortie 1

    54 Samcheong-ro, Sogyeok-dong, Jongno-gu

 
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  • Galerie Hakgojae

    Ouvert du lundi au samedi, 10h00-18h00. Le dimanche et les jours fériés, 10h00-17h00.

    Entrée: gratuite.

    Station Anguk (ligne 3), sortie 1.

    50 Samcheong-ro, Sogyeok-dong, Jongno-gu

 
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  • Galerie Pak Young

    Ouvert du mardi au samedi, 11h00-18h00.

    Fermé le dimanche et le lundi.

    Entrée: gratuite.

    Station Hapjung (ligne 6), sortie 8. Puis prenez le bus 200 ou le 2200 et descendez au stop Eun-seok-gyo Sagori 은석교사거리. Il vous restera 350m pour atteindre la galerie.

    37-9 Hoedong-gil, Gyoha-dong, Paju-si


Et retrouvez l’entretien intégral avec Kim Chansong dans un prochain article à paraître très prochainement !

Claire Solery

Claire Solery est expert en pop culture coréenne depuis 10 ans. Elle a contribué à de nombreuses publications françaises, notamment Slate, Le Point Pop ou France TV Info. Elle est du matin, mais tout sauf calme.

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