Le Bouddhisme et la Corée

Comme beaucoup de pays d’Asie, la Corée du Sud est souvent associée au zen, au Bouddhisme, et à tout le folklore qui l’entoure.

Pourtant, la relation qui lie le pays à cette religion venue d’Inde (d’autres diront que c’est plus une philosophie qu’une religion -nous laisserons les experts débattre-) n’a pas toujours été aussi évidente. Et aujourd’hui encore, la connexion entre Pays du Matin Clair et Bouddha reste incertaine.

A l’occasion des célébrations entourant l’anniversaire du Bouddha en Corée, petit décryptage de cette relation de je-t’aime-moi-non-plus plutôt incongrue.

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La naissance de Siddhartha avait été précédée par un étrange rêve que la Reine Maya, épouse du Roi Suddhodana, avait fait avant sa grossesse. Celui d’un éléphant blanc qui venait lui annoncer la venue de son premier enfant.

Il sera nommé Siddhartha Gautama et naîtra dans la ville de Lumbini dans l’actuel Népal avant de déménager et d’être élevé dans la ville de son père, Kapilavastu (au Népal ou en Inde du Nord).

Prince de la caste indienne Shakya (ce qui lui donnera son surnom de Shakyamuni, “le Sage des Shakya”), il expérimentera la vie dorée des palaces et sera préservé de toutes les souffrances du Monde.

Cependant, sa curiosité l’amènera à sortir du palais devenu prison, et à voir le monde réel. Comprenant que les gens “normaux” souffraient, il entamera une réflexion profonde sur ce qui génère les souffrances et explorera divers sagesses et religions dans diverses régions du Monde. Il poussera même jusqu’aux confins de la Perse (aujourd’hui l’Iran), et de la Mésopotamie (aujourd’hui l’Irak).

Sa conclusion sera que pour cesser de souffrir, il faut se séparer des attaches matérielles, psychologiques et physiques du Monde et renoncer à la corruption du Mal Absolu. Et ainsi briser le cycle des réincarnations, un des piliers de la religion hindoue.

Il sera touché par l’Illumination et sera le premier à atteindre le Nirvana (la fin des réincarnations). Il finira alors sa vie par enseigner les préceptes de ce qui deviendra le Bouddhisme.

Le IVe siècle avant Jésus-Christ commencera avec la mort du Bouddha.

 

 

Le Bouddhisme arrive dans la Corée de Baekje en 384 par le moine Malananta venu du Gandhara en Inde (même si la Corée avait déjà eu une introduction via la Chine des Qin environ 8 ans avant). Le berceau du Bouddhisme éclot dans le sud de la Corée, à Yeongwang près de Gochang dans la province de Jeollanam-do.

Remplaçant progressivement le chamanisme local, le Bouddhisme devient la religion privilégiée par les 3 Royaumes Coréens (Goryeo, Baekje et Silla). Il finira religion d’Etat et accompagnera la conquête de la péninsule par Goryeo.

La transformation du Royaume de Goryeo (dont le nom donnera le nom moderne de la Corée par déformation) va mettre fin à l’âge d’Or du Bouddhisme et de sa pacifique coexistence avec le chamanisme coréen local. En effet, Goryeo va devenir Joseon en 1392, sous la tutelle du Général YI Seong-ye (qui se renommera Taejo puis Yi Dan). Avec la reprise en main par le Roi Taejo, le Confucianisme va devenir la religion d’Etat et va façonner très profondément le fonctionnement de la péninsule.

Le Bouddhisme, d’abord réduit (de 7 écoles de pensées à 2 puis 1 seule école) puis déchu pour être finalement chassé, deviendra paria. Ses croyants seront persécutés, ses moines et nonnes défroqués, ses temples brûlés et ses artefacts fondus ou détruits. Les propriétés des temples seront saisies, et le nombre de temples et de moines sera contrôlé par un “numerus clausus” drastique.

Seule la démonstration de l’attachement national des moines et des croyants avec leur participation active à a défense victorieuse des forces japonaises durant les guerres Imjin (1592-1598) permettra au Bouddhisme de remonter dans l’estime de la royauté de Joseon.

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La chute de Joseon et la colonisation japonaise vont paradoxalement permettre au Bouddhisme coréen de souffler.

Le Japon Meiji est pro-bouddhisme et ses législations, même en Corée, vont donner un nouvel espace de travail pour les temples à bout de souffle. Entre autres mesures, l’abolition du célibat pour les moines et les nonnes, la fin de la propriété et de la gestion collective des temples, la possibilité de propriété privée pour chaque temple -transmissible entre chaque maître- etc.

Un seul point noir, qui causera le renversement de vapeur de la part de Tokyo en 1920, sera l'obligation de tutelle, de nomination des chefs des écoles de pensées bouddhistes coréennes et le contrôle administratif par le gouverneur militaire japonais à Seoul. Le siège du bouddhisme coréen devient à cette occasion le temple de Jogyesa.

D’ailleurs à la suite de la mise sous tutelle du Bouddhisme coréen, les autorités japonaises démantèleront les temples pro-coréens qui refusèrent de plier et enverront les artefacts et reliques les plus importants au Japon (ce qui pose encore problème entre la Corée et le Japon aujourd’hui).

Ce court état de grâce sous la colonisation japonaise va être la motivation principale après 1945 par les divers Présidents sud-coréens, à commencer par Syngman Rhee, pour de nouveau réduire le Bouddhisme (vu comme collaborateur et pro-japonais) et laisser la place à la nouvelle religion à la mode, le Protestantisme anglo-saxon.

Le paroxysme de ce conflit Bouddhisme Vs Etat + Protestants fanatiques sera atteint dans les années 90, où on verra plusieurs temples détruits ou brûlés volontairement par des protestants zélés, de violentes manifestations de moines, l’entrée de la police anti-émeute dans le temple de Jogyesa, la destruction d’artefacts historiques dans des musées ou des expositions par des factions chrétiennes accusant les Bouddhistes d’hérétiques et de dépravés.

Sous le President Lee Myung-bak, une politique non-officielle de recrutement permettra à l’administration de passer à près de 12 Protestants pour 1 Bouddhiste dans le cabinet présidentiel, et l’idée de supprimer l’anniversaire du Bouddha des calendriers officiels sera abordée (l’idée sera retirée après un tollé general de l’opinion publique).

Un allié inattendu du Bouddhisme coréen sera le catholicisme, qui, en perte de vitesse dans les années 90, trouve très opportun de se placer à côté des Bouddhistes pour renouer avec une image plus populaire et moins élitiste.

La Présidente Park Geun-hye recherchera à apaiser les tensions en appelant à la cooperation, et punira sévèrement les attaques contre les instances et croyants bouddhistes.

Un message de la Présidente sera même délivré à l’occasion de l’anniversaire du Bouddha 2015.

 

 

Aujourd’hui, le Bouddhisme coréen se porte de nouveau plutôt bien.

Plusieurs programmes ont aidé au développement et à la reconnaissance de ses doctrines et de ses actions au niveau international.

A commencer par les séjours en temple “templestay”, mis en place à l’initiative de l’Office du Tourisme Coréen et avec l’appui de plusieurs consultants/spécialistes étrangers dont le Professeur David Mason, pour pallier le manque de logements d’accueil pour la Coupe du Monde de football de 2002.

La grande victoire des Bouddhistes coréens sera également de faire reconnaître le festival des lanternes du Lotus (célébrant l’anniversaire du Bouddha) comme Héritage culturel intangible de l’Humanité par l’UNESCO et le maintien puis l’apport de subvention pour la grande parade des Lanternes qui a lieu tous les ans dans les rues de Seoul et de Busan.

La cuisine bouddhiste coréenne a également acquis ses lettres de noblesse avec notamment le reportage “Chef’s table” sur Netflix et la visite de la master-chef nonne Jeong Kwan par de grands chefs de la gastronomie.

Le Bouddhisme coréen a encore de beaux jours devant lui, même si son Histoire fut tumultueuse, et que, à ce jour, moins de 15% de la population coréenne est officiellement de confession bouddhiste (contre plus de 20% pour le Protestantisme).


Vous désirez en savoir plus sur le Bouddhisme? C’est l’occasion de prévoir un séjour en temple lors de votre prochain séjour.

On vous en partage notre expérience dans quelques semaines. Stay tuned!

Caroline L.

Française mariée a un Coréen, Caroline reside depuis plusieurs années en Corée.

Elle a fait ses etudes en France et en Asie, avant de s’orienter vers une carrière professionnelle vers la péninsule coréenne.

Elle est contributrice régulière car son quotidien et son sens aigu de l’analyse, lui permettent de lever des rideaux sur la Corée derriere le miroir et de décrypter les éléments de culture de la Corée et de ses habitant(e)s.

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